Claude Sautet, le calme et la dissonance

Réalisateur : Amine Mestari
Producteur : Goyave Prod / Arte France
Musique : Thomas Nguyen
2020

Les films ont permis à cet homme introverti, inoubliable peintre des années 1970-1980, de canaliser son bouillonnement intérieur. Riche d’archives inédites, un portrait touchant de Claude Sautet et de son rapport intime au cinéma.

« J’étais un enfant timide« , confie-t-il. Ce tempérament introverti l’a rendu observateur. Né à Montrouge en 1924, Claude Sautet a grandi dans la classe moyenne, sujet de tous ses films, auprès d’une mère et d’une grand-mère drôles et cultivées. Son père, absent et volage, s’épanouit en tenant un bar, un lieu de convivialité central dans sa filmographie. Au pensionnat, Sautet devient soliste à la chorale, s’éveillant à une sensibilité musicale qui façonnera sa direction d’acteur millimétrée. Il débute au cinéma sous l’impulsion de Lino Ventura, avec qui il tourne Classe tous risques. Mais deux échecs consécutifs découragent ce grand anxieux. De 1968 à 1971, Claude Sautet, surnommé « le ressemeleur », retape les scénarios bancals. Il revient à la réalisation avec la complicité du scénariste Jean-Loup Dabadie, nouant une collaboration passionnée avec Romy Schneider et formant autour de lui une bande de truculents comédiens, de Piccoli à Montand. Peintre subtil des années 1970-1980, Claude Sautet, revenu du stalinisme mais toujours à gauche, porte un regard lucide sur la société. Mais des Choses de la vie à Nelly et monsieur Arnaud, ses films s’intéressent avant tout aux passions humaines et aux relations tumultueuses entre hommes et femmes.

Dilemmes amoureux 
Puisant son matériau dans des archives parfois inédites, ce film donne la parole à Sautet et ses proches : Lino Ventura, Romy Schneider, Michel Piccoli… L’évocation de ses longs métrages permet de retracer les grands moments de sa vie, César et Rosalie renvoyant à ses dilemmes amoureux, le héros manipulateur de Max et les ferrailleurs fustigeant les « théoriciens » qui conduisirent Sautet à rompre avec le communisme. Ce documentaire se nourrit aussi d’enregistrements inédits de sa voix au charme bourru, de vidéos de lui en tournage, préoccupé, la clope au bec, d’interviews où il se livre avec l’authenticité des timides, et de cette conférence de presse cannoise où, bougon, il lance aux journalistes : « Moins vous poserez de questions, mieux ce sera pour moi. » Portrait touchant d’un cinéaste réservé et bouillonnant, qui a usé du cinéma pour « garder le calme devant la dissonance« , selon la formule qu’il a choisie pour épitaphe.